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La reconnaissance : une revendication de dignité ?

La reconnaissance : une revendication de dignité ?

Joël Roman montre comment il faut articuler la revendication d'émancipation avec la revendication de reconnaissance, éthiquement et politiquement aussi nécessaires l'une que l'autre.

Conférence-débat de l’Association Emmaüs à l’École normale supérieure

La notion d’égalité devant la loi suppose des individus interchangeables, économiquement autonomes dans le cas du suffrage censitaire, également émancipés, par l’école en particulier, tendant vers un modèle de citoyen rationnel. Mais il est difficile d’éliminer certaines inégalités, comme les inégalités économiques et sociales et celles qui sont liées à l’histoire personnelle de chacun. La notion d’égale dignité apparaît quand on prend en compte la spécificité de chacun. La démocratie consiste alors à faire société avec des gens différents mais reconnus d’égale dignité, quelque soit leur origine, leur revenu, leur lieu d’habitation.

Les professionnels en contact avec les personnes pauvres sont à la charnière entre les deux approches : ils doivent à la fois proposer des itinéraires d’émancipation et reconnaître la capacité de chacun à se reconstruire en suivant sa propre voie.

Pour les personnes qui vivent dans la rue depuis de nombreuses années, l’écoute peut leur permettre d’intégrer leur passé malheureux dans leur histoire personnelle et d’énoncer cette histoire à la première personne. L’écoute peut également leur permettre d’envisager un avenir ouvert (et non pas imposé par l’institution), indéterminé, dont elles pourraient avoir la maîtrise.

L’idée d’un revenu d’existence, déconnecté de toute activité productive, repose sur la reconnaissance soit d’un statut de citoyen, pas toujours facile à définir (que faire pour les étrangers ou les non-résidents ?), soit plutôt d’une utilité sociale, qu’il faudrait savoir définir.

Notre société est moins exigeante en matière de normes sociales mais, en contrepartie, elle est plus exigeante quant à la capacité de chacun d’être autonome, ce qui augmente le risque d’exclusion.

La notion de reconnaissance est au cœur de la politique de la sécurité : soit le délinquant fait partie intégrante de notre société et celle-ci doit réagir quand il rompt le pacte social, soit on le considère comme un individu génétiquement délinquant qu’il faut mettre à l’écart. « Le fait de criminaliser l’occupation de la rue comme le stationnement dans les halls d’immeuble fait partie des évolutions problématiques de cette question ».

Le Temps des Cerises – La rue ? Parlons-en ! – 2006 – 58 p.